palombe.org - La chasse à la palombe traditionnelle au filet face à la Commission Européenne, quel avenir ?
- Téchené jean noel
- il y a 1 jour
- 5 min de lecture
La chasse à la palombe traditionnelle au filet face à la Commission Européenne
Si la Commission européenne a décidé de traduire la France devant la Cour de justice de l'UE pour la chasse traditionnelle de la palombe au filet, cela s'inscrit dans un cadre bien établi de litiges entre les États membres et la Commission concernant l'application des directives européennes, et en particulier la Directive Oiseaux (Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages).
Voici quelques points à considérer :
La Directive Oiseaux : Cette directive vise à protéger toutes les espèces d'oiseaux sauvages naturellement présentes sur le territoire européen des États membres. Elle interdit notamment la capture ou la mise à mort intentionnelle des oiseaux, sauf dans des conditions très strictes et dérogatoires.
Les dérogations : Les États membres peuvent déroger aux interdictions de la directive sous certaines conditions, notamment "pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux [...] pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux, ou à d'autres formes de propriété, pour des raisons de santé et de sécurité publiques, pour des raisons impératives de sécurité publique ou pour des raisons de recherche et d'enseignement, de repeuplement, de réintroduction et pour les opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la reproduction artificielle, ou pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture ou la détention d'oiseaux migrateurs afin de les conserver dans des jardins zoologiques, dans des élevages d'oiseaux, dans des parcs ornithologiques et dans des collections privées." Cependant, ces dérogations doivent être dûment justifiées et ne doivent pas compromettre les populations des espèces concernées.
La chasse traditionnelle : La Commission a souvent examiné avec une attention particulière les pratiques de chasse dites "traditionnelles" qui peuvent entrer en conflit avec les objectifs de la Directive Oiseaux. La chasse au filet, qu'elle soit verticale ou horizontale, est souvent considérée comme une méthode de capture non sélective, ce qui est généralement proscrit par la directive.
Le rôle de la Cour de justice de l'UE : Si la Commission porte l'affaire devant la Cour de justice, c'est parce qu'elle estime que la France n'a pas respecté ses obligations en vertu du droit de l'UE. La Cour examinera si les dérogations accordées par la France pour la chasse de la palombe au filet sont conformes aux critères stricts de la Directive Oiseaux.
L'explication de l'État français : Le fait que la Commission estime que la chasse n'a "apparemment pas été suffisamment expliquée par l'État français à la Commission" est crucial. Les États membres ont l'obligation de communiquer et de justifier en détail les mesures dérogatoires qu'ils prennent. Un manque de transparence ou de données scientifiques suffisantes pour étayer la nécessité et la sélectivité de la pratique peut être un motif de contestation par la Commission.
A noter que nous chasseurs de palombes au filet, on nous demande de répondre à un questionnaire annuel sur nos types de palombières et nos prélèvements au filet. Mais force est de constater que dans les fédérations départementales de chasse des 5 départements concernés, il n'y a pas grand monde pour collecter est analyser les prélèvements. Devant l'absence de chiffre effectif constaté par différents présidents d'ACCA ou de sociétés de chasses, on peut en déduire que le monde de la chasse dont je fais parti semble peut crédible pour argumenter devant l'état.
La réaction de la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) est tout à fait prévisible et s'inscrit dans la continuité de leur positionnement sur les chasses traditionnelles face aux institutions européennes.
Plusieurs points clés ressortent de la déclaration de la FNC :
"Attaque totalement déconnectée de l'actualité" : Cet argument vise à discréditer la démarche de la Commission en suggérant qu'elle n'est pas basée sur des faits récents ou une urgence écologique, mais plutôt sur une posture idéologique. La FNC et les défenseurs de la chasse mettent souvent en avant la bonne santé des populations de palombes, voire leur expansion, pour contester l'idée que cette chasse menacerait l'espèce.
"Animosité hors norme de la Commission vis-à-vis de la chasse française" : C'est un leitmotiv régulier de la FNC. Ils estiment être la cible d'un acharnement de la part de Bruxelles, qui serait motivé par une idéologie anti-chasse, et non par une application objective du droit européen. Cette rhétorique vise à mobiliser les chasseurs et à gagner le soutien de l'opinion publique en se présentant comme victimes d'une bureaucratie européenne déconnectée des réalités locales.
Volonté d'intervenir aux côtés du Ministère devant la Cour de justice : C'est une démarche logique et importante. La FNC, en tant qu'organisation représentative des chasseurs, a un intérêt direct à défendre cette pratique. Leur intervention, vraisemblablement en tant que partie intervenante, permettra d'apporter des arguments techniques, des témoignages et des données spécifiques à la pratique de la chasse au filet en France. Cela montrera également une unité de façade entre les chasseurs et le gouvernement français sur ce dossier.
Défense de la "chasse patrimoniale" et respect des critères de dérogation : La FNC insistera sur le caractère "patrimonial" de cette chasse, soulignant son ancrage culturel et historique dans les régions concernées. Au-delà de l'aspect culturel, ils devront démontrer devant la Cour que la chasse au filet répond bien aux critères stricts de dérogation de la Directive Oiseaux, notamment en termes de sélectivité des captures et de "petites quantités" prélevées, sans que cela n'impacte l'état de conservation de l'espèce. C'est le point juridique le plus délicat.
Contexte des dérogations et des "chasses traditionnelles" :
Il est important de noter que la Cour de justice de l'UE a déjà eu à se prononcer sur des cas similaires de chasses traditionnelles (comme la chasse à la glu ou au filet pour d'autres espèces), et ses arrêts ont souvent été défavorables aux États membres qui n'ont pas pu prouver la sélectivité et la faible quantité des prélèvements. La charge de la preuve repose sur l'État membre qui accorde la dérogation.
Le fait que la Commission ait jugé les explications de l'État français "insuffisantes" indique que les données ou justifications fournies jusqu'à présent n'ont pas convaincu Bruxelles. Le défi pour la France et la FNC sera donc de présenter des arguments et des preuves solides devant la Cour pour démontrer la conformité de cette pratique aux exigences strictes de la Directive Oiseaux.
En somme, cette affaire est un nouveau chapitre dans le bras de fer récurrent entre la Commission européenne, soucieuse de l'application uniforme de la législation environnementale, et certains États membres, qui défendent des pratiques de chasse ancestrales et culturelles, parfois en contradiction avec les principes de la directive.
En résumé :
Le scénario décrit est un exemple classique de la manière dont la Commission européenne veille à l'application du droit de l'UE par les États membres. La chasse traditionnelle, même si elle est ancrée culturellement, doit se conformer aux exigences environnementales de l'UE. Si l'information est exacte, la France devra défendre sa position devant la Cour de justice, et la décision de la Cour aura des implications importantes pour la pratique de cette chasse.
Alors ou sont nos portes drapeaux pour défendre notre culture et nos traditions rurales ?
Comments